• Dans ce premier acte, Adélie se réveille avec des rêves d'amour mais se retrouve pressée par sa mère pour se préparer à rencontrer Julian de Brémond, une homme de bonne famille qui doit parler affaire avec son père Graham. La jeune fille est sceptique, considérant qu'un homme fortuné ne peut avoir ni cœur ni valeurs, mais lorsqu'il apparaît, elle reconnait en lui la figure de l'amour qu'elle a vu en rêve. Lorsqu'elle le revoit, quelques temps plus tard, malgré une attraction réciproque, il refuse ses sentiments pour une raison obscure, lui affirmant qu'il ne pourra lui offrir l'amour qu'elle mérite. Esseulée et accablée, elle chante sa douleur et son amour.

    Parallèlement, Julian est recruté par Graham pour le seconder dans son travail. Il rencontre également Charles, qui a pour ambition de lui faire oublier ses valeurs morales qu'il considère comme une faiblesse. Quelques jours après, Graham lui présente leurs sociétés partenaires avant de le diriger vers Sebastian, un journaliste qui pourrait refaire monter la côte de popularité de Charles. Mais ce n'est pas dans les plan de Julian, qui décide d'utiliser ce journaliste avec un tout autre objectif en tête : dévoiler ce qui se passe réellement dans les usines de la sinistre entreprise.


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  • CLARA

    Levez-vous, Mademoiselle, il faut se réveiller, c’est un grand jour!

    Votre mère m’envoie vous apprêter, vous préparer à le rencontrer.

     

    ADÉLIE

    Clara, oh ma Clara, je vous bien que le jour de lève, mais tu me tires d’un si doux rêve! Oui, cette nuit…

     

    CLARA

    Quoi, cette nuit ? Quoi donc, cette nuit?

     

    ADÉLIE

    Tel la plume d’un colibri, un doux songe s’est déposé dans mon esprit. Un doux songe non pas de liberté, mais d’un amour pur et engagé. Songe au visage d’ange, songe bien étrange. J’aimerais tant connaître le nom de cet être. Son regard était perdu, puis je l'ai trouvé. Ses yeux passionnés m’ont traversée, tels un oiseau cherchant ce qui en moi était caché. Pourquoi faut-il se réveiller ? Pourquoi faut-il se réveiller?

     

    CLARA

    Voyons, Madame! Je vous prie de ne faire attendre plus longtemps votre famille.

     

    ADÉLIE

    Ses yeux angéliques, son sourire espiègle. Il me guidait vers le ciel, tel un aigle. Je cherchais à prendre une main bien tendre. Pourtant je m’éveille, sans amour, toute seule.

     

    CLARA

    Chère Adélie, oubliez ce rêve. Laissez-ici votre cœur et vos émois. Votre mère arrive, il me semble, oui, je l’entends venir. Aussi, je me retire et vous laisse l’attendrir.

     

    ADÉLIE

    Ah! Que m'ennuie cette douce matinée ! 

    Les oiseaux chantent et le soleil est haut. 

    Le temps est clément, le printemps à son apogée, 

    Mais mes songes s’enfuient, s'évaporent peu à peu. 

    Le ciel se voile, non, ce n’est qu’un nuage. 

    Un joli nuage, un nuage de nacre. 

    Mais hélas, hélas, hélas, hélas! 

    Rien ne peut, hélas, rien ne peut altérer 

    Le morne caractère de cette réalité. 

    Ah! Que m'ennuie cette douce matinée ! 

    Les bosquets frissonnent et les feuillages bruissent. 

    La brise est douce, elle caresse ma peau. 

    Mais, je suis lasse de vivre dans ce château. 

    J’en ai assez de toute cette beauté! 

    Comment puis-je continuer à vivre dans cette prison, oui cette prison dorée ? 

     

    Je rêve d’aventure, je rêve d’amour. Et de liberté, oui, de liberté 

    Et… Tel la plume d’un colibri, un songe s’est déposé dans mon esprit. Un songe, non pas de liberté, mais d’un amour pur et engagé. J’aimerais tant connaître le nom de cet être.

     

    EMMA

    Adélie ? Adélie ?  Que faites-vous encore au lit ? Que faites-vous encore au lit ? Adélie!

     

    ADÉLIE 

    Mère, je me repose et je profite avec passion de cette matinée et de la douceur du jour!

     

    EMMA : 

    Enfin, ma fille ! Ne voyez-vous pas l’heure s’envoler ?

     

    ADÉLIE

    Mère, je n’ai rien vu. Que des rêves emportés.

     

    EMMA

    Ne soyez pas insolente, ne soyez pas insolente ! Et veuillez donc vous lever, vous coiffer et vous habiller. Car c’est aujourd’hui que votre père rencontre le beau Julian de Brémond.

     

    ADÉLIE

    Et quel rapport avec moi ? Et pourquoi de si bon matin?

     

    EMMA

    Enfin, Adélie ! Ce garçon n’est pas anodin!

     

    ADÉLIE

    Enfin, mère, que me chantez-vous ? Feriez-vous de mon père un jaloux ?

     

    EMMA

    Ne soyez pas idiote ! Levez-vous sans tarder. Préparez-vous, nous l'accueillerons bientôt. Je vous veux apprêtée. Il ne faut pas faire attendre un homme de cette envergure.

     

    ADÉLIE

    Un homme de cette envergure ? L’avez-vous seulement rencontré ?

     

    EMMA

    Hélas non. Mais tout le monde sait qui il est et vous aussi, vous devriez savoir ce qu’il a fait.

     

    ADÉLIE

    Vraiment ? Qu’a-t-il fait de si grand dans sa vie, et qu’a-t-il accompli qui mérite tant de bruit ?

     

    EMMA

    C’en est assez, vous me fatiguez ! D’un instant à l’autre, notre invité va arriver. Alors préparez-vous, non sans plus de questions, ou vous serez consignée dans votre chambre jusqu’au réveillon.

     

    Adélie ajuste une barrette dans ses cheveux, Graham et Johann s’apprêtent à entrer.

     

    ADÉLIE

    Ce Julian, a-t-il sauvé un homme ou une femme ?

     

    EMMA

    Certainement pas.

     

    ADÉLIE

    Vaincu une armée ?

     

    EMMA

    Ah! Cessez donc cette folie, vous êtes ridicule !

     

    GRAHAM

    Qui est ridicule ?

     

    EMMA

    Votre fille ! Elle refuse d'admettre qu’un homme puisse être estimé par son héritage plutôt que par ses actes.





    ADÉLIE

    Je ne vois pas en quoi il est honorable d’être simplement né dans une bonne famille. La seule chose valable que ce jeune homme ait faite, c’est de survivre toutes ces années dans la pauvreté sans savoir qui était son vrai père.

     

    EMMA

    Vous savez donc qui il est ! Pourquoi feindre l’ignorance ?

     

    ADÉLIE

    Parce que vous me divertissez, mère. Mais je dois bien admettre qu’une chose me travaille à son sujet. Pourquoi personne n’a-t-il remis en question ce que racontait ce "Julian" ? Ce garçon surgit de nulle part et prétend être le fils de l’homme le plus riche du pays, et tout le monde se contente de le croire ?

     

    Johann se joint à eux.

     

    JOHANN

    Adélie ! Charles de Brémond est un homme sage et avisé ! Il a soumis Julian à un interrogatoire et les preuves ont parlé.

     

    ADÉLIE

    Des preuves, Johann, mais quelles preuves ? Peut-être une tache de naissance en forme de fumée toxique ?

     

    JOHANN

    Très spirituel…

     

    ADÉLIE

    Ou des empreintes d’ombre de vies fauchées ?

     

    JOHANN

    Sachez une chose, ma chère sœur : il a été décidé que vous le rencontriez avec nous car père et mère estiment que vous serez assez séduisante pour l’inciter à épouser quelqu’un de notre rang. Mais je pense qu’ils se trompent. Même avec tout le charme du monde, votre âme reste aussi sèche que les pages de vos romans.

     

    GRAHAM

    Johann, cela suffit !

     

    JOHANN

    Pardonnez-moi, père.

     

    GRAHAM

    Ta sœur a des opinions différentes, certes. Mais c’est justement ce qui fait sa plus grande qualité. Un homme qui ne voit pas cela, peu importe sa richesse, ne la méritera jamais.

     

    ADÉLIE

    Merci, père.

     

    GRAHAM

    Quant à toi, réfléchis avant de parler. Cesse tes joutes vaines et prosaïques, nous n’avons guère d’appétit pour tes critiques.

     

    ADÉLIE

    Oui, pardonnez-moi, père.

     

    GRAHAM

    Julian arrive, il est juste là-bas. Je vous prie de vous comporter correctement et de rester séants. Tous les deux.

     

    GRAHAM

    Monsieur de Brémond, par ici !

     

    ADÉLIE

    Julian ! Oh, mais c’est ce garçon. Celui qui cette nuit est venu dans mes songes.

     

    EMMA

    Adélie ! Cessez cette folie !

     

    GRAHAM

    Cher Monsieur, je vous prie d’excuser ma fille. Elle me semble, ce matin, vivre dans un autre monde.

     

    JULIAN

    Ne vous excusez pas, Graham, mon ami. Rencontrer votre famille est un honneur, présentez-moi, je vous prie.

     

    GRAHAM

    Naturellement. Voici ma femme, Emma.

     

    EMMA

    Je suis enchantée, jeune homme, de vous rencontrer enfin.

     

    JULIAN

    Tout le plaisir est pour moi, Madame croyez-le bien.

     

    GRAHAM

    Mon fils, Johann.

     

    JOHANN

    C’est un honneur.

     

    JULIAN

    Je vous en prie, Monsieur, je suis ravi.

     

    GRAHAM : Et ma fille, Adélie.

     

    Julian embrasse délicatement la main d’Adélie, puis ils prennent tous congés à l’exception de Graham et Julian.

     

    GRAHAM

    Julian, votre père voit en vous des atouts d’exception. Votre poste à venir revêt une grande ambition. 

     

    Julian est dans la lune, toujours en train de regarder dans la direction d’Adélie. Graham claque des doigts devant lui pour attirer son attention. Julian sursaute.

     

    JULIAN

    Pardon, que disiez-vous ? Je m'étais perdu un instant.

     

    GRAHAM

    Julian, votre potentiel et votre rôle sont sujets de discorde, des plans nouveaux s’ouvrent devant vous, que l’on aborde.

     

    JULIAN

    Je ne désire que prouver ma valeur, être à la hauteur.

     

    GRAHAM

    Sous ma houlette, vous apprendrez l’art de la diplomatie, un chemin vers les affaires entre nos différentes compagnies.

     

    JULIAN

    Mais il me semblait être en charge de la supervision des travailleurs. N’était-ce pas la tâche que voulait me confier le directeur?

     

    GRAHAM

    Votre père a d’autres ambitions pour vous. Il préfère un rôle social qui sera plus à votre goût.

     

    JULIAN 

    Mais…

     

    GRAHAM

    Je serai chargé de ladite mission. Vous m’observerez et m’assisterez en attendant votre transition.

     

    JULIAN

    Je pensais…

     

    GRAHAM

    Et dans quelques années, ma retraite s’esquissera à l’horizon. À ce moment, vous pourrez certainement prendre ma place. Quelques années plus tard, celle de votre père sans l’ombre d’un doute.

     

    JULIAN

    Pourtant…

     

    GRAHAM

    Oui, qu’y a-t-il ? Quelque chose vous chagrine ?

     

    JULIAN

    Mon père m'avait promis la supervision des travailleurs. Cette tâche qu’il m’attribuait était chère à mon cœur.

     

    GRAHAM

    Pourquoi cette idée ? C’est un travail rude et rébarbatif ! S’il y a des doutes, parlez-lui, mais soyez vif. Car ce sont ses mots qui seront décisifs.

     

    JULIAN

    C’est entendu, je vais lui en parler de ce pas. Je vous remercie pour votre soutien et vos conseils, ce fut un plaisir.

     

    GRAHAM

    Le plaisir fut le mien. Mais sachez une chose, jeune Julian : si votre père refuse votre requête ou que vous changez d’avis, je vous attendrai ce lundi au Parc Williams.

     

    JULIAN

    Je vous remercie Graham. J’y réfléchirai.

     

    GRAHAM

    Ne m’ont pas échappé la tendre fascination que vos yeux dévoilent pour ma fille. Elle sera là lundi, peut-être pourra-t-elle vous éclairer dans cette décision fragile.

     

    Il part puis on a une transition musicale dans laquelle Julian se retrouve dans le bureau de Charles.

     

    CHARLES

    Entre, mon fils, entre. Que puis-je pour toi?

     

    JULIAN

    Je me questionne sur votre choix de me placer dans la diplomatie, en lieu et place du poste que j'avais espéré, de tout cœur, j'imaginais…

     

    CHARLES

    Votre intérêt se porte-t-il donc sur ces travailleurs, ces vies dévolues ?

     

    JULIAN

    Ce sont des êtres humains qui…

     

    CHARLES

    Depuis que tu m’as retrouvé, Julian, j’ai grand peine à comprendre comment mon sang peut couler dans tes veines. Nous sommes de noble lignée, notre fortune est immense. Comment t’es-tu retrouvé, naïf, pleins de vaines croyances ?

     

    JULIAN

    En vivant en marge, dans la pauvreté. En luttant pour survivre aux méandres de cette cité.

     

    CHARLES

    Mais tu as émergé, promis à un grand destin ! Pourtant tu sembles altéré par la souffrance des autres humains. Apprend une chose, mon fils : un berger veille sur son troupeau. Un roi, lui, cherche à conquérir le monde, fier et beau. Quel chemin, désires-tu suivre ? Veux-tu encore simplement continuer à survivre ?

     

    JULIAN

    Mais un roi sans peuple n'est rien.

     

    CHARLES

    Oh, nous l’avons, le peuple, sache-le bien.

    Qu’importe qu'il souffre ou prospère, il a besoin de notre main. Des milliers, des millions d'affamés dans les rues. Penser pouvoir tous les sauver, c'est méconnaître l’issue.

     

    JULIAN

    Je suppose que vous avez raison, père.

     

    CHARLES

    Mon fils, retiens ceci : laisse la misère à ceux qui y gisent. En tant que roi, tu règnes, tu guides, tu décides.

     

    JULIAN

    Père, je vous en prie, croyez en ma volonté. Jusqu'ici j'ai survécu parmi les plus faibles, déterminé. Votre entreprise, je la porterai sur mes épaules, pour les années à venir. Que Dieu m'éloigne du piège de la faiblesse et que ma foi ne faiblisse pas dans cette noblesse.





    Julian se rend au parc, où il aperçoit Graham.

     

    GRAHAM 

    Ah, jeune homme, vous voilà ! Je vois que vous avez changé d’avis sur ce métier qui jusqu’ici ne vous tentait pas. Cela ne vous pose-t-il aucun souci ? 

     

    JULIAN 

    Je crains d’avoir causé quelques tracas mais j’espère que cela ne vous dérange pas. 

     

    GRAHAM 

    Me déranger ? Au contraire, je suis ravi de vous voir embrasser cette voie. Mais parlons affaires, si vous le voulez bien. 

     

    JULIAN 

    Que devons-nous faire en ce lieu, si serein ? 

     

    GRAHAM (Veillant à la discrétion) 

    Voyez là-bas, sous l’arbre, cet homme en gris, c’est le représentant de l’entreprise Carlson. Leur société habille notre pays. Plus loin, voyez-vous cet autre visage ? C’est celui de l’entreprise Smith, parlant avec ma femme, que vous avez rencontrée. 

     

    JULIAN 

    Et quel est le lien qui nous unit à eux ? 

     

    GRAHAM 

    Nous produisons leur source d’énergie. Sans nous, leurs machines s’arrêteraient, leur production ralentirait. Notre accord est vital, le comprenez-vous ? 

     

    JULIAN 

    Il s'agit donc de renouveler ce lien ou d’en forger un nouveau, mieux adapté ? 

     

    GRAHAM 

    Exactement. Les entreprises Carlson et Smith s’étendent. Elles veulent produire plus et nous le demandent. Votre père pense augmenter leur tribut. Cent mille livres par semaine, un prix plutôt doux. Mais moi, j’ose rêver plus grand : Cent cinquante mille, cela me semble évident. 

     

    JULIAN 

    Cent cinquante mille ? Cela paraît énorme ! Que leur offrons-nous en retour, pour une telle somme ? 

     

    GRAHAM

    Au contraire, c’est un geste clément. Pour cette somme, nous leur donnons grandement. Toute l’énergie dont ils ont besoin. En échange, ils prospèrent. Cent cinquante mille, c’est un rien, comparé à ce qu’ils gagnent, soyez-en certain. 

     

    JULIAN 

    Ces entreprises sont-elles nos plus gros clients ? 

     

    GRAHAM

    Loin de là, jeune homme, loin de l’entendement ! Tous ces grands bâtiments crachant leur fumée noire ont un contrat avec nous pour maintenir leur gloire.

     

    JULIAN 

    Alors pourquoi accorder tant d’importance à un contrat d’une simple centaine de mille, en apparence ? Notre compagnie vaut bien des millions, je suppose ?

     

    GRAHAM 

    Des milliards, Julian, des milliards grandioses, mais vous avez raison de poser la question, car ce contrat n’est pas la vraie raison. Voyez cet homme, là-bas, avec ses lunettes, qui parle et note sans cesse ses pensées nettes. Sebastian Cample, ce journaliste avisé, contrôle l’opinion de toute notre société. Il a écrit du bien de nous jusqu’ici, mais une plume peut tourner, sans merci. 

     

    JULIAN 

    Il faut donc s’assurer qu’il reste satisfait.

     

     

    GRAHAM 

    Mieux encore, Julian, écoutez-moi bien. Vous êtes le fils retrouvé, sorti de l’ombre des rues. Jouez mal vos cartes et votre père paraîtra comme un monstre impitoyable qui  abandonne son sang à un sort lamentable. Jouez-les bien, et vous deviendrez icône, un symbole vivant que la fortune couronne. 

     

    JULIAN

    Je comprends. Il s’agit  donc  de rencontrer ce journaliste et incarner l’enfant prodigue, recueilli par le puissant millionnaire ? 

     

    GRAHAM 

    Ne soyez pas si cynique, mon cher. Votre père est milliardaire, pas simple millionnaire. Mais oui, vous avez saisi l’enjeu. Allez parler à cet homme et faites-le bien, je vous en somme. 

     

    JULIAN 

    Je m’y rends de ce pas, merci de votre conseil. 

     

    GRAHAM 

    Allez, Julian, je vous laisse. Montrez-leur de quoi vous êtes fait.

     

    JULIAN 

    Sebastian, n’est-ce pas ? 

     

    SEBASTIAN 

    C’est moi. 

    Je suis Sebastian, plume alerte,
    Journaliste d'exception, bien averti,
    Le peuple me chérit, la presse me salue,
    Car c’est moi qui murmure à l’oreille du pays !

    Je danse entre les lignes,
    Je jongle avec les mots,
    De la haute société aux ruelles des faubourgs,
    Je transforme les rumeurs en échos,
    Les secrets en vérités, les scandales en atouts.

    On me dit dangereux,
    Craint par les puissants,
    Car un mot de ma plume,
    Peut faire trembler un géant.
    Mais n’ayez crainte, je suis juste et honnête,
    Je ne cherche que la vérité, la lumière en quête !

    Les nobles et les riches, ils me redoutent,
    Car je leur rappelle qu’ils ne sont que des hommes.
    Les petits, les oubliés, eux me saluent,
    Car ma plume est leur épée, leur bouclier, en somme.

    Je suis le miroir et le reflet des âmes,
    Celui qui capture les joies et les drames.
    Alors si vous avez un secret, une vérité à dire,
    N’oubliez pas, c’est à moi qu’il faut s’ouvrir !

    Car je suis Sebastian, voix du peuple et de la presse,
    Qui transforme en mélodie, les murmures et les détresses.
    Alors chantez, chantez, puissants et misérables,
    Car demain dans vos salons, mon nom résonnera, inébranlable !

     

    Par ma plume, mais quant à vous, vous devez être Monsieur de Brémond!

     

    JULIAN 

    Appelez-moi Julian, je vous prie. Je ne viens pas ici pour faire tant de bruit.

     

    SEBASTIAN 

    Julian, le célèbre fils prodige. Celui qui a vécu là où tant ont péri. 

     

    JULIAN

    Est-ce ainsi l’opinion que l’on donne de moi ? 

     

    SEBASTIAN 

    Les gens adorent embellir le dramatique. Ils aiment en faire une tragédie, c’est dans leur nature. 

     

    JULIAN 

    Mais sans tous ces gens, que penseriez-vous ? 

     

    SEBASTIAN 

    Sans eux, mais que voulez-vous dire ? Mais je ne serais rien, si je ne peux les servir.

     

    JULIAN 

    C’est fort honorable, évidemment.  Mais j’aimerais connaître votre opinion, si nous étions tous deux seulement. Loin de tous les regards, loin de tous les égards ? 

     

    SEBASTIAN 

    Me permettez-vous d’être honnête, de vous parler sans détour ?

     

     

    JULIAN 

    C’est même cela ce que j’attends de vous. 

     

    SEBASTIAN 

    Dans ce cas, écoutez-moi bien. Ouvrez vos esgourdilles, et ouvrez-les bien ! Je penserais que c’est une tristesse que vous soyez le seul à avoir échappé à cette misère qui engloutit Newchester. Alors que chaque jour, dans les rues, tant d’autres périssent sans espoir, sans jamais voir l’aube d’un nouveau départ. 

     

    JULIAN 

    Pour être franc avec vous, je partage ce sentiment. 

     

    SEBASTIAN

    Parlez-vous sérieusement ? Vous, le fils de la plus grande fortune ? Vis à vis de votre père, éprouveriez-vous rancune ? 

     

    JULIAN 

    Ah mon père, le grand Charles de Brémond. Il se passe des choses étranges, dans l’entreprise de mon père. Des choses qui ne devraient pas exister dans ce monde que l’on dit éclairé. 

     

    SEBASTIAN 

    Que dites-vous là ? Vous attisez ma plume, dites m’en plus!

     

    JULIAN 

    Pas ici, pas maintenant, monsieur le journaliste. Mais donnez-moi un lieu et une heure et je vous dirai tout. 

     

    SEBASTIAN 

    Demain, dix heures, ici même ? 

     

    JULIAN 

    C’est convenu.

     

    JULIAN 

    Ce fut un plaisir de vous rencontrer. 

     

    SEBASTIAN 

    Le plaisir est pour moi. 

     

    JULIAN 

    Sebastian, une dernière chose je vous prie. Si un mot de notre échange venait à se répandre, vous pourrez considérer votre carrière comme terminée. Il est crucial que mon père ne sache rien de ce que je m'apprête à vous dire demain. Il n’est pas encore temps, mais bientôt vous pourrez divulguer les atrocités de sa société. Mais d’ici-là tenez-vous en aux faits divers du moment. Ai-je été clair et limpide ?

     

    SEBASTIAN 

    Comme de l’eau de roche, Julian.

     

    Julian marche sans réfléchir, droit vers la sortie du parc. Adélie l’aperçoit.

     

    ADÉLIE

    Julian ?  C’est bien vous. Je n’étais pas certaine de vous reconnaître, au loin.

     

    JULIAN

    C’est bien moi, belle Adélie. Avez-vous besoin de quelque chose ? 

     

    ADÉLIE 

    Non! Je… Enfin, si… Mon père m’a chargé de vous donner ce billet. Votre ordre de mission pour la semaine à venir. 

     

    Elle tend un morceau de papier. Leurs mains se touchent, s’effleurent un instant. Adélie sourit et Julian semble lui rend son sourire avec tristesse, caresse sa joue puis détourne les yeux.

     

    JULIAN

    Pardonnez-moi, je n’aurais pas dû, c’était maladroit et inapproprié

     

    ADÉLIE

    Je vous ai souri, Julian, la maladresse était de mon fait. 

     

    JULIAN

    Non, mon comportement est déplorable. Je vous prie de m’excuser, ce n’était pas convenable.

     

    ADÉLIE

    Monsieur de Brémond, vous ne me devez rien. Vous ne m’avez causé ni malaise ni chagrin.

     

    JULIAN

    Alors pourquoi m’appelez-vous soudainement ainsi ? 

     

    ADÉLIE

    Je l’ignore, vous me paraissez distant tout à coup. Notre regard langoureux n’était-il pas à votre goût ?

     

    JULIAN 

    Distant, oui sans doute je dois le paraître. 

     

    ADÉLIE 

    Pourquoi Julian ? Pourquoi vous montrer froid et lointain ? Je pensais en effleurant votre main… 

     

     

     

    JULIAN

    Adélie, Ô Adélie. Je vous prie de me croire. Vous me plaisez, ma foi, bien plus que vous n’oserez l’imaginer. Pourtant c’est insensé, je ne vous connais qu’à peine. Mais votre grâce dépasse les nuages de mes jours, les étoiles de mes nuits. À votre vue, mon cœur a ressenti l’inexplicable. 

     

    ADÉLIE

    Vraiment Julian, êtes-vous sincère ? 

     

    JULIAN

    Plus que je ne le voudrais, oui, mais ce serait une erreur. C’est une passion qui me ronge le cœur, un élan que je dois réprimer dans l’heure. Car je ne pourrai vous apporter que peine et douleur. J’aimerais tant n’avoir aucun sentiment pour vous. Que mon cœur soit de pierre, que mon sang soit de glace. 

     

    ADÉLIE

    Pourquoi donc, Julian, pourquoi réprimer ces sentiments que je pourrais partager ?

     

    JULIAN

    Parce que je ne suis pas ce que vous croyez. Je ne serai homme sur qui vous pouvez compter. 

     

    ADÉLIE

    Mais je vous aime, Julian et je vous prie de cesser.  Acceptez vos sentiments, si vous pensez m’aimer. Quel obstacle se dresse devant vous ? Pourquoi me tenir ainsi à l’écart, loin de vous ? 

     

    JULIAN

    Je ne peux vous donner de réponse à cette question. Si vous saviez, vous ne pourriez m’aimer, ni même me regarder. Votre regard flamboyant d’amour viendrait alors à s’éteindre, tel l’astre du jour. Aussi, je vous laisse en paix, oubliez-moi vite, et trouvez un homme qui vous mérite.

     

    Julian s’enfuit et Johann arrive.

     

     

    JOHANN 

    Que vous arrive-t-il, chère sœur ? Vous me semblez si triste, si pleine de rancœur.  Père vous a-t-il dit quelque chose de blessant ? Est-ce la rencontre avec notre nouveau collaborateur ? Vous me semblez troublée, une ombre passe sur votre visage.

     

    ADÉLIE

    Non… Enfin, si… Julian m’a confié ses sentiments. 

     

    JOHANN

    Je vous demande pardon ? Êtes-vous certaine de l’avoir compris ? Cela me paraît insensé. Il ne vous connaît pourtant pas.

     

    ADÉLIE

    Peu importe, de toute façon. Grande est ma tristesse car il se refuse à m’aimer. Il rejette ses propres sentiments et il m’a rejetée.

     

    JOHANN

    Je le comprends.

     

    ADÉLIE

    Je vous demande pardon, mon frère ? Nous avons certes nos différends, mais nous restons du même sang et, malgré moi, je vous aime. Pourquoi cette cruauté ?  

     

    JOHANN 

    Vous vous méprenez, Adélie, je comprends ce que vous ressentez. Mais en toute honnêteté, je comprends sa décision car il pourrait faire bien mieux. 

     

    ADÉLIE 

    Mieux ? Je ne vous comprends guère, Johann. Que voulez-vous dire par là ? 

     

    JOHANN 

    Une demoiselle plus riche, d’une famille plus fortunée. C’est l’héritier le plus riche de Newchester et il ne peut se permettre d’épouser un parti qui n’est pas à la hauteur de son rang.

     

    ADÉLIE

    Ainsi donc, aurait-il choisi l’argent, plutôt que moi, préférant ses lingots à mon cœur en émoi? 

     

    JOHANN

    Oui, c’est pour moi l’évidence. L’argent a son attrait, bien plus de valeur en substance que l’amour d’une jeune fille qui s’est amourachée. C’est pour ça qu’il a voulu vous éloigner. 

     

    ADÉLIE

    Mais pourquoi m’a-t-il dit que, le connaissant mieux, je ne pourrais plus le voir d’un regard amoureux ? 

     

    JOHANN

    Il voulait dire que vous êtes trop naïve et qu’il ne peut vous offrir une relation affective. 

     

    ADÉLIE

    Le croyez-vous vraiment ? Que je ne pourrais m’adapter, vivre dans son monde à lui ? Qu’il veut me protéger et que pour cela, il m’a fui ?

     

    JOHANN

    Il me semble évident qu’il préfère rester seul. Il a rejeté vos sentiments, cela devrait vous suffire. 

     

     

     

    ADÉLIE

    Que faire alors, de ce déluge de pensées ? Que faire, quand mon cœur est ainsi enchaîné ?

     

    JOHANN

    Vous me semblez bien troublée ce soir. Je vous laisse à vos pensées, en espérant qu’au matin vous aurez oublié ces émotions absurdes qui vous ont tourmenté.

     

     

     

    ADÉLIE

     

    Oh Seigneur ! Oh Seigneur ! 

    Un étrange tourment m’envahit ! 

    Est-ce lui ? 

    Est-ce moi ? 

    La folie s’en est prise à mon âme ! 

     

    Il dit m’aimer, mais je sens qu’il me fuit

    Je dis l’aimer, mais je ne sais ce qu’est l’amour

    Tout ce que j’en sais me dépasse tant.

    Et pourtant, une étrange passion m’envahit ! 

     

    Un tourment, une passion

    Des pensées noires, mais des palpitations ! 

    Comme une tempête dans mon coeur

    Une tempête remplie de fleurs

    De couleurs, d’ardeurs

    Comme un feu,

    Brûlant mais captivant

     

    Je le vois devant moi,

    Son visage, son sourire et la musique,

    Oui, la musique qui envahit mon âme

    Chaque fois que je pense à lui.

    Sa musique, qui résonne en moi la nuit,

    Son absence dans mon cœur comme une larme.


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